Selon la recherche européenne Mediappro menée par le Clemi pour la France (juin 2006), sept jeunes Européens de 12-18 ans sur 10 utilisent la messagerie instantanée et le courrier électronique, mais c’est la messagerie qu’ils utilisent le plus fréquemment. Ce qu’ils apprécient, c’est de pouvoir garder un contact permanent, même s’il n’est pas toujours actif, avec des personnes qu’ils ont choisies. Certains d’entre eux, très prudents, expliquent qu’avant d’entrer un nouveau contact dans leur carnet d’adresses, ils vérifient directement auprès de ce nouvel ami que l’adresse est bien la sienne.
La messagerie instantanée a partout supplanté les salons de Chat : les 2/3 des jeunes Européens déclarent ne jamais aller ou aller rarement sur les Chats. Les plus jeunes craignent d’être importunés par “des inconnus, des gens pas nets, qui peuvent truquer leur âge et tout », les plus âgés n’y trouvent plus grand intérêt : le Chat est devenu une activité que l’on pratique épisodiquement avec des copains, “pour délirer un moment quand on n’a rien à faire”.
Près de 6 jeunes Français sur 10 disent ne jamais communiquer avec des inconnus. Ceux qui le font sont surtout les grands adolescents, et cette pratique est surtout occasionnelle : on chatte avec un étranger pour échanger des informations sur son mode de vie, on se fait de nouvelles relations autour d’un jeu en réseau… Les adolescents ont très souvent entendu parler de l’existence de personnes mal intentionnées qui se cachent derrière une fausse identité. Ils restent inquiets devant ces dérives, non pour eux-mêmes mais pour les plus jeunes qu’eux.

Si la communication avec les amis passe par les blogs, tous les adolescents ne sont pas des blogueurs ! En 2006, un jeune Français sur 4 déclare avoir son blog. La majorité d’entre eux ouvre un blog par curiosité, pour faire comme ses copains, et très vite le laisse en sommeil pour découvrir une autre activité en ligne.
Les blogs sont des sites Web d’un genre un peu particulier : leur auteur y publie des textes, des images, parfois même des vidéos ou des sons, qui s’affichent par ordre chronologique. Les jeunes blogueurs véritablement actifs le conçoivent comme un site personnel sur lequel ils exposent états d’âmes, créations artistiques, pensées philosophiques ou réactions sur l’actualité, expériences, témoignages…
Ils s’exposent, mais ils partagent aussi : en invitant les visiteurs à aller voir leurs blogs préférés, en laissant des commentaires sur d’autres blogs et en entamant parfois des dicussions passionnées… Les communautés de jeunes blogueurs recoupent très étroitement le groupe de copains avec qui on va en cours, au sport, en soirée… Car bloguer, comme l’explique la chercheuse Anne-Claire Orban, revient à « relier un Moi à un Toi que le jeune connaît : là encore, le copain, le frère, la cousine… »
Pour un petit nombre de jeunes (et beaucoup d’adultes !), il devient ensuite essentiel de se faire connaître et reconnaître par les autres blogueurs. La chasse aux visiteurs est alors ouverte.

Communiquer sur Internet, c’est un peu comme naviguer dans le brouillard. Dans la plupart des situations ordinaires, explique Thierry De Smedt, chercheur à Louvain-la-Neuve (Belgique), c’est le contexte de communication qui règle ce qui peut être dit et ne peut pas l’être, ainsi que les manières convenables de communiquer sans blesser : l’apparence physique, les mimiques, le moment… renseignent sur l’identité et les réactions de son interlocuteur.
Or sur Internet la communication est décontextualisée ; chacun évolue dans son contexte propre, avec ses codes, sa culture, ses désirs, parfois dits, parfois tus, parfois travestis ; dès lors, ce qui semble admissible à l’un peut être choquant ou préjudiciable pour l’autre. Comment dans ces conditions établir avec autrui un contrat de communication le plus explicite possible ? De plus, la majorité de ces jeunes n’a qu’une idée très vague de ce que signifie « publier » en ligne – au sens fort de « rendre public », et la découverte de ce qu’est le média Internet est parfois brutale.
Ainsi, avec leur blogs, ils croient s’adresser uniquement à leur amis, alors que c’est dans l’espace public du Web qu’ils expriment des pensées privées, voire intimes. Ils pensent que personne ne peut trouver leur blog tant qu’ils n’ont pas donné son adresse, alors qu’il est accessible à quiconque navigue sur le Web, et qu’il peut même être indexé par un moteur de recherche. Ils pensent que tout ce qu’on trouve sur Internet – images, musiques… - peut être copié-collé sur son site, alors que les droits d’auteur s’appliquent à Internet comme à tous les médias… Ils ont également une maîtrise très relative de la communication socialisée. Font-ils toujours la différence entre critique et injure, entre caricature et diffamation, savent-ils que la vie privée d’autrui ne peut être exposée publiquement, sont-ils capables d’écouter des avis différents du leur et d’en débattre ? Sur Internet les jeunes sont souvent persuadés d’être totalement libres de dire et d’écrire ce qu’ils pensent comme ils le ressentent, alors que la liberté d’expression est encadrée par la loi, sur Internet comme ailleurs.